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Bourse de Commerce – Pinault Collection Exposition inaugurale (2)

Ryan Gander, 2019 souris animatronique
? Quand le public est là, les souris parlent. Une petite souris blanche balbutie en anglais, tout en hochant la tête.
L’artiste Ryan Gander met en scène une souris animatronique qui bégaye, surprenant les visiteurs qui attendent l’ascenseur depuis un trou creusé dans le mur. Prisonnière de sa ” boucle ” animée, cette improbable souris, condamnée à vivre cycles après cycles, jusqu’à épuisement, nous donne à penser et à sourire sur notre propre condition.

Avec la voix d’une enfant — Olive, fille de l’artiste —, elle tente un mot, une phrase, sans l’achever. À jamais inaudible, elle se débat, répétant en boucle son échec. Ryan Gander y voit un peu de sa propre tentative artistique, impuissante, presque perdue d’avance, mélancolique. 
” Une exposition de la vulnérabilité plutôt qu’une exposition de la virtuosité “, comme l’écrit François Piron dans le catalogue ” Ouverture “.
Ryan Gander
Auteur d’une œuvre protéiforme, Ryan Gander (né en 1976 à Chester) vit et travaille à Londres. Il emploie tous les médiums pour interroger les mécanismes de perception d’une œuvre d’art dans un rapport complexe entre réalité et fiction. Ses œuvres parlent toutes, d’une façon ou d’une autre, d’absence, de perte, d’invisibilité, de latence.

Mettez le son, et tendez bien l’oreille pour écouter la petite voix de la souris

Exposition David Hammons

Plus loin, toujours au rez-de-chaussée, une trentaine de ready-made subversifs donnent un juste aperçu de l’œuvre puissante, féroce et rare de l’Africain-Américain David Hammons, ” hanté par la blessure du racisme ordinaire “. ” C’est la première fois qu’une institution lui consacre une exposition monographique, se félicite Caroline Bourgeois. François Pinault l’a rencontré il y a trente-cinq ans et en possède la collection la plus conséquente au monde. Nous avons tenu à présenter plusieurs œuvres de chaque artiste, en signe de sa fidélité. Il préfère approfondir plutôt que de papillonner.”
Drapeau américain lacéré aux couleurs panafricaines (Oh say can you see, 2017), panier de basket orné de pampilles en cristal (Untitled, 2000), chats assoupis sur des tam-tams géants (High Level of Cats, 1998)…  

High Level of Cats : tambours, chats naturalisés
Des chats empaillés dorment sur la peau de tambours africains hauts de plus de deux mètres. L’installation se présente comme une étrange forêt dominée par la présence tranquille des félins. ” Roulés en boule, des chats roux sont paisiblement endormis sur des instruments à percussion africains. En résulte une image saisissante, ambigüe, familière et radicale à la fois. Cette œuvre témoigne de la volonté de David Hammons d’explorer sans cesse l’association d’objets, leurs connotations, le jeu des mots, leur polysémie – souvent liée à l’histoire et à la culture africaine-américaine. Il s’agit ici de la figure du « cat », chat de gouttière, musicien venu de la rue, auxquels les jazzmen s’identifient et de la présence de ces instruments-racines qui plongent aux origines africaines du Jazz, aux combats et aux voix que ce dernier incarne.”

Comme souvent dans les œuvres de David Hammons, le titre apporte une clef de compréhension. High Level of Cats traduit en effet les aspirations des ” chats “, terme d’argot désignant les afro-américains, vers la haute société. La réalisation littérale de cette expression – des chats juchés sur des tambours traditionnels africains – confère à l’œuvre une puissance aussi symbolique qu’ironique. Cette installation spectaculaire participe pleinement de la démarche de l’artiste qui aime à recycler des objets trouvés se référant aux caractéristiques et aux attitudes de la culture afro-américaine.

Oh say can you see
le drapeau américain lacéré et transformé aux couleurs du drapeau panafricain, intitulé Oh say can you see

David Hammons, Central-Park-West, 1990 Courtesy de l’artiste et de Bourse de Commerce-Pinault Vélo

David Hammons, Untitled, 2000 Courtesy de l’artiste et de Bourse de Commerce-Pinault panier basket
Surprenant croisement entre un chandelier de style baroque et un panier de basket, cliché de la culture afro-américaine, Untitled confirme l’immense talent de David Hammons à manier les symboles. Cette juxtaposition d’objets et d’esthétiques a priori si dissemblables fait l’effet d’une véritable bombe visuelle et conceptuelle.

David Hammons est coutumier des recoupements audacieux. De ses œuvres, le plus souvent fabriquées à partir d’objets trouvés dans la rue, découle une narration aussi poétique que politique. Dans Untitled le panier de basket – motif récurrent dans le travail de l’artiste – ainsi décontextualisé symbolise les impossibles aspirations sociales de la jeunesse urbaine, en particulier noire américaine. Cependant, le décorum dans lequel il est encastré, distribuant des chandelles électriques, n’est pas sans mauvais goût…

David Hammons, Cultural-Fusion, 2000 Courtesy de l’artiste et de Bourse de Commerce-Pinault sculpture mur
Bois, fer, verre, miroir, tissus, plumes, végétaux séchés, coquillages, PVC

Animal hybride, objet de procession, fétiche chamanique ? L’œuvre Cultural Fusion fascine autant qu’elle questionne. En juxtaposant des masques de différentes cultures africaines, David Hammons met en cause les stéréotypes raciaux en vigueur dans le monde de l’art. « Nous faisons tous de l’art ethnique. Andy Warhol était un artiste ethnique ; il considérait le monde de l’art du point de vue d’un homme blanc. Or dès qu’une personne noire fait de même, c’est de l’art ethnique », affirme-t-il.

Fortement engagé, le travail de David Hammons explore par un panel inépuisable de médiums les combats et les aspirations de la communauté afro-américaine. L’artiste recourt à des objets récupérés auxquels il confère, en les associant avec d’autres objets et en les mettant en scène, un sens poétique et politique.

Forgotten Dream , 2000
Une robe de mariée passablement usée s’envole vers le plafond depuis un socle de fer s’apparentant à une bouche d’égout. Le symbole de bonheur intime et de l’accomplissement social est ici hors de portée : il devient une métaphore de l’espoir évanoui, de l’utopie jamais réalisée.
Comme c’est le cas dans de nombreuses œuvres de l’artiste, Forgotten Dream fait dialoguer les symboles et les références culturelles à partir d’objets récupérés. De cet assemblage audacieux surgit une vision magique, mais aussi une narration, non sans mélancolie, dans laquelle il est possible de se projeter et de s’identifier.

David Hammons, Orange is the New Black, 2014

Untitled

?Un panier de basket rouillé, extirpé de son terrain – peut-être lui-même disparu, victime d’une restructuration urbaine ? – et poussant finalement la porte d’un musée. Cette première impression s’évapore cependant dans l’examen attentif d’”Untitled”, qui révèle son caractère factice et humble : un poteau en acier supporte un panier fait d’un pare-brise de voiture et d’un simple cerclage en métal.
Résultat d’une juxtaposition de détritus glanés dans la rue, “Untitled” repense les enjeux du basketball aux États-Unis à l’aune d’une réflexion sur l’objet insignifiant devenu signifiant.

David Hammons
Artiste majeur de notre temps, figure radicale, l’artiste Africain-américain David Hammons n’a, du fait de sa stratégie de critique et d’évitement du monde de l’art, quasiment jamais été présenté en Europe de manière significative.
Né en 1943 dans l’Illinois, David Hammons développe depuis les années 1970 un œuvre furtif et subversif, hanté par la blessure du racisme ordinaire. L’artiste s’installe à New York en 1975, à Harlem, un quartier qui devient l’épicentre d’une création que traversent les luttes et l’engagement social.

Marqué par l’Arte povera au cours de son séjour à l’Académie américaine de Rome en 1989, Hammons, génie de l’assemblage précaire, recycle en sculptures puissantes les objets glanés lors de ses pérégrinations, puisant dans le quotidien. Ces trouvailles, dérisoires bric-à-brac, errances, protestations politiques, braquent une lumière crue sur la misère d’Harlem, spolié de sa culture originale – le jazz – par la société de consommation.

Ce militantisme, explorant la mémoire collective sur un mode contestataire, imprègne son travail. Grâce à une pratique de l’arpentage urbain, l’artiste soustrait au réel, au territoire de la rue, des éléments à la forte charge emblématique : de vils objets, des rebuts, se voient investis d’une signification nouvelle. David Hammons les met en scène dans l’univers pur et conceptuel, blanc, de l’espace d’exposition. ils s’éclairent à la lecture de leurs titres, fondés sur des glissements poétiques et des jeux de mots.

Sources :

la page facebook de la Bourse de Commerce 

 Bourse de Commerce – Pinault Collection

50 commentaires pour “Bourse de Commerce – Pinault Collection Exposition inaugurale (2)”

  1. suivant sa sensibilité on réagit à ces oeuvres. La petite souris est adorable meme si elle balbutie! Le drapeau américain lacéré avec ce qui semble du sang est un vrai coup de poing!
    Merci pour cette visite Francine
    Bises

  2. Cette expo est vraiment intéressante. Je n’aime pas tout dans l’art contemporain, mais la souris est amusante et je comprends que les gens soient fans, par contre je ne comprends pas ce qu’elle dit 🙂 J’aime moins les chats qui bien que réalistes me donnent l’impression d’avoir devant moi un chat mort, c’est macabre je sais et c’est peut-être parce qu’il y a un mois à peine j’ai du faire euthanasier ma vieille chatte de plus de 23 ans, mais vraiment cela ne me plait pas du tout…bisous et bonne semaine

  3. J’aime bien être surpris moi qui suis un académique notoire.
    Cette exposition est aussi surprenante qu’intéressante.
    Cette petite souris fait merveille dans cet univers.
    Je prends du plaisir à découvrir et à comprendre l’art contemporain.
    Ta présentation est parfaite.
    Merci Francine pour ce partage qui sort de l’ordinaire.
    Bonne journée.

  4. Bonsoir Francine, elle est mignonne cette petite souris, j’ai bien aimé même si je ne comprends pas ce qu’elle dit.
    Bises et bonne semaine, fanfan

  5. Bonjour Francine, attention l’hiver n’a pas dit son dernier mot?
    Février et mars risquent parfois d’être rudes!
    Nous verrons bien de toutes les façons demain j’ai un arrivage de bois qui servira ou pas, au pire se sera les réserves de l”hiver prochain.
    J’aurais donc du travail à faire.
    Je te souhaite de passer un bon dimanche.
    Bisous.

  6. Il ne faut pas se demander pourquoi la souris ne termine pas ses phrases ! Le reportage est très intéressant ! Avec si peu de choses on peut imaginer des beaux concepts… très belles photos ! Bisous Francine ! @ plus sur un autre article !

    • c’est clair !! je n’aime pas tout dans l’art contemporain, je ne montre que ce qui m’a plu, ou retenu mon attention; maintenant j’attends avec impatience la nouvelle exposition de la Bourse de Commerce, mi février

  7. Des manières originales pour exprimer le ressenti de ces artistes face à notre monde qui se dit “moderne”, il fallait oser … un coup de coeur pour la souris bien sûr, cet insolite surprend … je ne suis pas art moderne comme l’on dit mais avec ton billet, tes explications et tes belles photos j’ai apprécié Francine :: merci de toutes ces découvertes … je te souhaite un bon dimance avec mes bises dans ta soirée !

  8. Bonjour Francine. La petite souris est amusante. Le reste de l’exposition est moderne, mais pas à mon goût. Je préfère les vrais chats que ceux empaillés. Bonne journée et bisous

  9. C’ est reparti pour la pluie, ce qui fait qu’il ne gèle plus !
    Pas de sortie alors, du moins pour moi !
    Peut être pourra tu visiter un endroit abrité !
    Passe une bonne fin de semaine
    Bisous

  10. Bonjour Francine, journée qui sera faite pour faire des visites en intérieur car vu l’annonce de la météo ce sera bien.
    Ici pas encore d’eau mais?
    Je te souhaite de passer une belle journée.
    Bisous.

  11. La petite souris me fait sourire Francine

    l’Orange is the New Black est magnifique

    je ne connais pas l’œuvre de David Hammons, tes photos me donnent une bonne idée

    merci pour ce joli partage intéressant

  12. Bonjour Francine,
    Merci pour la vidéo ! quand j’ai lu le début de l’explication, j’espérais
    la vidéo, et oui, tu as pensé à la faire, super , mais je ne comprends pas la langue !
    Une belle exposition, tu en fais pas mal !!!
    Bonne fin de journée, bises

    • she speak english ! j’ai pris un abonnement annuel à la Bourse de Commerve, vu que c’est à côté de chez moi 😉 ?
      et là je ne pouvais pas rater la vidéo !

  13. Bonjour Francine, tes photos sont magnifiques et j’ai beaucoup aimé la petite souris.
    Cela m’aurait plu de faire cette visite, il y a des sujets intéressants.
    Gros bisous et agréable week-end ♥

  14. Bonjour Francine
    Très intéressant cette exposition. Les œuvres sont sympas, j’aime bien.
    J’ai attendu que la petite souris sorte de son trou mais pas possible de la faire bouger 🙂
    J’espère que tu vas bien
    Passe une très bonne journée
    Bisous
    @lain

  15. Bonjour Francine adorable la vidéo mais je pensai que les chats étaient vivants c’est magnifique c’est un très joli reportage toujours avec des très belles photos merci à toi bonne journée Claudine Daniel

  16. Bonjour Francine
    J’ai adoré regarder toutes tes photos et toutes ces oeuvres interpellent ! elles sont vraiment géniales et font réfléchir ! merci de m’avoir ainsi enchantée avec cette visite !
    bisous
    Am

  17. Coucou. L’art contemporain bouscule et dérange. L’histoire du panier de basket me fait effectivement penser à nombre de films dans lesquels on voit une jeunesse désœuvrée qui passe ses journées à se faire des passes et à essayer les tirs au panier. Quant à une souris et des chats… attention! Il pourrait y avoir du grabuge! Bises alpines.

  18. Mille mercis Francine pour ce beau partage de cette exposition très très intéressante. J’aime beaucoup. Bises et très belle journée. Flo

  19. coucou mon amie j’aime ces créations modernes,
    aujourd’hui pas de balade a cause du brouillard et de la pluie, je te souhaite un très bon Vendredi, bises

  20. Eh bien moi j’aime tout ! La souris elle est géniale et interpelle déjà tout le monde.Ensuite la créativité est à l’honneur.Avec des choses usuelles et sans grande valeur on imagine avec des concepts brillants des oeuvres attirantes.
    Merci de ce beau partage.
    Bon week end.

  21. Bonjour Francine, il y a quelques créations sympas mais d’autres ne sont pas dans mes gouts. C’est vrai que l’art change dans le moderne.
    Pour la forme oui c’est bon en ce moment cela revient doucement à la normale.
    Je te souhaite de passer une belle journée.
    Bisous.

  22. Étonnantes ces expositions modernes, qui peuvent plaire à certaines personnes, et pourquoi pas ! Dommage que j’ai vraiment perdu la pratique de l’anglais, par manque de pratique bien sûr… j’aurais bien aimé comprendre la petite souris !
    Bonne journée Francine
    Gilbert

  23. Cette suite est superbe et pas seulement pour la petite souris et les chats. Toute l’expo est super. Un régal pour les yeux.
    En revanche stp Francine, quand tu envoies une newsletter commune, pense à mettre les contacts à qui tu l’envoie dans CCI car sinon tout les destinataires voient les adresses mail des autres et j’aime pas. Pas envie de voir mon adresse mail se balader chez des gens à qui je ne l’ai pas donnée, c’est perso un mail. Merci de ta compréhension et bises

  24. j’ aime bien cette souris balbutiante, c’ est original, comme les tambours africains avec les chats dont on sait qu’ils aiment grimper !
    Pour le reste je me dis que le milliardaire Pinault sait ce qu’il fait pour le rester et même augmenter sa fortune, mais je doute qu’un message quelconque passe avec ces ” oeuvres ”
    Je n’oublie pas que la culture américaine est issue d’ une migration , et rappelle qu’entre eux les africains sont loin d’ être pacifiques !
    Passe une bonne journée
    Bisous

  25. Coucou ma Francine,
    Une page extraordinaire chez toi ce matin. J’ai adoré toutes les oeuvres présenté, et quelle bonne idée cette petite vidéo.
    Merci pour cet excellent partage
    Bises et bon vendredi – Zaza

  26. Hello Francine
    C’est bien sympas la petite souris pour le reste faut aimer cet art …. J’ai la même chose au musée d’Art Concret chez moi à Mouans Sartoux. Il faut vraiment y adhérer pour comprendre l’art contemporain…
    Bon Vendredi
    Pat

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